5h00 du matin, nous
arrivons enfin à Puno sur la rive ouest du plus haut lac navigable du
monde : le lac Titicaca qui sépare le Pérou de la Bolivie voisine et qui
est alimenté en permanence par les eaux pluviales et la fonte des neiges de la
cordillère des Andes. L’aube est proche, mais pour nous, elle n’annonce pas une
journée très active, tant le sommeil a été dur à trouver pour certains malgré
les sièges partiellement inclinables du bus. Nous rejoignons rapidement l' hôtel Duque Inn pour sombrer de nouveau dans le seul lit matrimonial
disponible à cette heure où le petit déjeuner est à peine d’actualité.Seuls Juliette et moi, qui avons un poil mieux toléré les virages du trajet
Cusco/Puno, avons l’énergie de grimper sur la terrasse de l’hôtel qui domine la
ville pour admirer le lever de soleil sur ce lac mythique. Les quelques marches
que nous devons grimper pour admirer ce spectacle, nous rappellent que nous
sommes à plus de 3800 mètres d’altitude même si la démesure de ce lac nous
donne plus l’impression d’être arrivés dans une station balnéaire au bord de
l’océan (190 kms de long pour 80 kms de large avec une profondeur maximale de
327 mètres). Les côtes sont très découpées et les sommets qui bordent les rives
sont secs et pelés, exsangues de toute végétation.
Puno au lever du soleil
L’après midi, nous nous extirpons péniblement de notre
chambre d’hôtel, en se faisant un peu violence pour aller découvrir la ville et
tenter d’y voir un peu plus clair sur le programme des jours suivants. Nous
errons dans la ville de Puno, qui en soit ne présente pas un intérêt phénoménal,
et nos pas finissent pas nous conduire sur les rives du lac, où embarquent tous
les bateaux qui desservent les iles du lac Titicaca côté Péruvien. De
nombreuses agences proposent des packs tout compris avec visite des îles,
nuit chez l’habitant et exploration au coucher du soleil de temples dédiés à
la déesse de la Terre et au dieu Soleil, y compris les fameuses îles Uros : îles artificielles fabriquées à partir des ajoncs du lac. Les guides et la lecture
de différents blogs conseillent plutôt d’essayer d’organiser ce circuit par
nos propres moyens afin d’éviter le phénomène de groupe et surtout permettre
une meilleure rétribution des habitants des îles qui logent et nourrissent les
touristes. Sur l’embarcadère, nous avons la chance de nous renseigner d’emblée
auprès d’une association de tourisme équitable qui nous propose un billet de
bateau flexible valable 15 jours pour nous rendre sur les îles d’Amantani et Taquilé
avec la possibilité d’hébergement chez l’habitant tout en lui versant
directement le prix de la pension complète sans passer par une agence. Cette
proposition nous sort enfin de notre léthargie diurne, qui nous voyait hésiter depuis le début de l’après midi sur le programme à venir, et nous optons pour
passer deux nuits chez l’habitant sur l’île d’Amantani, située à trois heures
de bateau de Puno, en espérant que nos progrès en espagnol suffiront à créer du
lien avec cette famille qui aura la charge de nous héberger.
Le soir, nous extirpons de nos sacs à dos respectifs, nos
plus beaux atours pour aller manger à " La Table de l’Inca", un restaurant dans le centre de Puno que nous a
chaudement recommandé Pascal un chef canadien rencontré à Huaraz et qui selon
lui était une des meilleure table du Pérou. Pascal, si tu nous lis, soit
remercié pour ce super tuyau, car ce fut effectivement un grand moment
culinaire de notre périple familial. Deux jeunes chefs lyonnais qui dans cette
petite ville perchée en pleine cordillère des Andes revisitent les standards
culinaires péruviens en les assaisonnant d’une pointe de gastronomie française
(comme par exemple le lomo saltado à la bourguignonne) pour la plus grande joie
des touristes qui lassés un temps du riz et des patates profitent pour un prix
défiant toute concurrence du savoir faire de ces magiciens de la cuillère en
bois.
Le lendemain, nous partons vers 8h30 pour les îles Uros,
avec en tête la description que nous avons lu sur plusieurs blogs et la
certitude d’y retrouver une flopée de touristes alpagués dès leur arrivée par
des pseudo habitants en costumes traditionnels pour acheter l’artisanat local
garantie made in Uros . En fait la surprise est de taille, car nous
débarquons de notre petit bateau sur une minuscule île de « Totoro »
(les ajoncs du lac), où résident deux familles qui nous accueillent en chanson
et avec le sourire pour nous expliquer la fabrication de ces îles artificielles
et flottantes. A l’aide d’une petite maquette, la « présidente » de
l’île nous explique comment les habitants encrent au fond du lac de gros blocs
de racines par dessus lesquels sont empilés en quinconce plusieurs couches de
Totoro renouvelées dès que les couches profondes pourrissent. Nous marchons sur
ce tapis de roseaux, nous enfonçant légèrement avec une petite pointe
d’appréhension quand à la stabilité du sol que nous foulons du pied (je suis déjà
passé au travers de chaises censées être très solides et depuis les surfaces
végétales tressées m’angoissent). Mais non, ça tient et rassurés nous
embarquons pour une petite ballade à bord d'une barque construite également
en Totoro (les îles flottent, il n’y a pas de raison que les barques ne soient
pas de la même trempe), pour un excellent souvenir de navigation silencieuse
sur le lac le plus haut du monde. Nous resterons une bonne heure sur l’île à profiter du calme et de la bonne humeur du "président"et de sa petite famille
avant de quitter les îles flottantes pour Amantany que nous attendrons
après près de trois heures de navigation, sur l’heure du midi.
Les îles Uros
Le comité d'accueil
Les différentes déclinaisons de l'utilisation du "Totoro"
Ca flotte!!!
Nous sommes accueillis par Fernando qui nous invite à
grimper les contreforts du village « El Pueblo », pour rejoindre sa
maison où nous attend Mathilde sa femme, Maribel et Deslie Dania ses deux
filles qui ont l’âge d’Elise et Juliette, sa belle fille et ses deux petites
filles : Melissa, deux ans et Lys neuf mois et la grand-mère dont l’esprit
bat la campagne depuis plusieurs années et dont le regard vide et inexpressif est
un poil impressionnant. La communication
n’est pas toujours facile au début, une partie de la famille ne parlant que
l’aymara, et une certaine gène s’installe quand nous constatons qu’à quatre,
nous mangeons sur la seule table de la cuisine tandis qu’eux se tassent sur des
bancs près du foyer. Mais bien vite, et comme souvent c’est par l’intermédiaire
des enfants que le dialogue s’installe et rapidement les filles partagent en
espagnol, les jeux de Maribel et de Desli : Volley ball, balle au
prisonnier, la marchande de fleurs,le tout devant la grand-mère stoïque et d’un
immobilisme à faire peur. J’ai craint le pire quand j’ai vu les poules lui
picorer les jambes sans déclencher chez elle la plus petite forme d’une
quelconque réaction.
Elise et Juliette font rapidement des progrès en espagnol et
Elise tente même d’expliquer les échecs à Maribel, ce qui n’est pas une mince
affaire. Heureusement qu’on a notre petit dictionnaire : el péon (le
pion), el loco (le fou), saltar (sauter), avancar como un « éLé »
(avancer en L) por el caballero…
Melissa
Lys sur le dos de sa maman
Le lendemain, nous sommes quasiment les seuls touristes sur
l’île, les autres étant repartis le matin très tôt pour visiter l’île de
Taquilé, et nous apprécions de grimper seuls au milieu des terrasses étagées
pour atteindre les deux points culminants de l’île d’où la vue sur le lac et
les contreforts est superbe. Nous verrons alternativement les temples dédiés
à la déesse de la Terre : Patchamama et au dieu du Soleil :
Patchatata, sans croiser âme qui vive, excepté quelques femmes arpentant les
sentiers pavés de l’île tout en filant la laine d’alpaga et quelques villageois préparant
la terre pour les cultures à venir.
La vue sur le lac du temple de Pachatata
Les deux soeurs en communion avec la nature et la beauté du lac
Le soir, nous aurons la chance de voir dans son intégralité une éclipse totale de lune, dans un endroit où il y a, la nuit le moins de lumière parasite. La lune entièrement masquée par l'ombre de la Terre laissera la place à un magnifique ciel étoilé; l'occasion pour Elise de sortir la carte de l'hémisphère sud,sortie tout droit du manuel des castors juniors.
Le début de l'éclipse de lune
Quelques heures plus tard,
La vie sur Amantany, isolé à près de 4000 mètres d’altitude
et à plus de trois heures de navigation de la ville de Puno demande une
certaine organisation et chaque membre de la famille prend part aux taches
quotidiennes du foyer. Fernando est aux champs toute la journée et s’occupe d’approvisionner la maison,
Matildé est aux fourneaux très tôt le matin et elle y épluche inlassablement des patates qui composent une grande partie du menu quotidien de la famille, la belle fille s’occupe de la gestion et de l’accueil des touristes
au domicile, les deux filles s’occupent de leurs petites nièces quand les
devoirs et l’école leurs laissent un peu de temps et la grand-mère garde le poules
et les nourrit en leur donnant un peu de ses mollets.
Au final, nous serons accueillis comme des rois pendant ces
deux jours et avec le temps et un peu de patience et surtout grâce aux filles
pour qui jouer reste le plus important que ce soit en français ou en
espagnol, nous parviendrons à nous
comprendre un peu mieux tout en profitant d’une des plus belles vues sur le lac
Titicaca.
Le dernier jour,nous rejoindrons en bateau la
« peninsula » afin de reprendre
un colectivo pour Puno, puis un Bus pour notre dernière étape
Péruvienne : Arequipa et le canyon de Colca.
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