Après le Far West, nous reprenons de l’altitude et redonnons
dans les extrêmes avec rien de moins que la ville de 100000 habitants la plus
haute du monde. Potosi se trouve effectivement à 4100 mètres d’altitude (plus
haute que Lhassa) et il préférable d’être acclimaté avant de s’y rendre, sous
peine d’y passer des premières nuits difficiles. Outre l’altitude, cette ville
possède une autre raison d’être connue. A défaut d’avoir pu trouver l’Eldorado,
les espagnols ont trouvé à Potosi, le plus grand gisement d‘argent au cœur du
« Cerro Rico » (Mont riche) qui domine la ville. La légende raconte
que les incas avaient depuis longtemps découvert ce filon, mais qu’au moment de
l’exploiter, la terre aurait tremblée. Huayna Capac y voyant un signe de la
colère de la Pachamama (déesse de la terre), en aurait interdit, dès lors, l’exploitation.
Les espagnols, n’ont pas les mêmes scrupules, et ayant eu vent de l’existence
de cette manne financière, s’approprient Le Cerro Rico et fondent Potosi en 1545
dans laquelle ils font venir des dizaines de milliers d’esclaves indiens pour
une exploitation massive. La mine fut exploitée par les conquistadors de 1545 à
1825. On ignore la quantité d’argent qui fut extraite du Cerro Rico au cours de
quatre siècles de productivité, mais une croyance populaire affirme qu’elle
aurait permis aux espagnols de construire un pont d’argent jusqu’à la mère
patrie tout en leur en laissant des quantités suffisantes à transporter par
cette voie. Par contre, on estime que pendant cette période, près de 8 millions
d’indiens et d’africains amenés en renfort ont périt dans d’atroces conditions.
Au 17ème siècle, à son apogée, Potosi à compter près de 200000
habitants (soit une des plus grandes villes du monde à l’époque), un hôtel de
la monnaie fondé en 1672, près de 80 églises et une architecture coloniale dont
on peut encore voir les vestiges dans le centre historique et qui lui a valu d’être
classée au patrimoine mondial de l’UNESCO en 1987. Malheureusement, le gisement
du Cerro Rico a commencé de s’épuiser et l’effondrement du cours de l’argent a
porté un coup fatal à la ville de Potosi. Actuellement, l’excavation de la
montagne se poursuit et quelques 2000 mineurs continuent de creuser la
montagne, dans des conditions précaires à la recherche de filons restants, avec
les mêmes moyens qu’à l’époque, n’extrayant à peine de quoi survivre. On trouve
encore dans la mine de l’étain, du zinc et du plomb dont le prix de vente est
dérisoire et ne permet qu’un salaire minimum de 80 à 100 bolivianos par jour,
soit un peu plus de 10 euros, ce qui permet tout juste aux mineurs de nourrir
leurs familles et d’acheter le précieux matériel, ces derniers n’ayant d’autres choix que de poursuivre
l’extraction dans l’espoir de découvrir la fameuse veine d’argent qui les
sortira de la mine. Regroupés en coopératives, qui louent la montagne au
gouvernement, ils continuent de creuser le Cerro Rico à la pelle, la pioche et
à la dynamite agrandissant les quelques 10 000 galeries existantes à ce jour.
La montagne compte des milliers d’entrées et ressemble à un vaste gruyère qui
menace aujourd’hui de s’effondrer. Le Cerro Rico est passé en quelques
centaines d’années de l’altitude de 5180 mètres à 4787 mètres en raison de
l’activité minière, et l’UNESCO à classée Potosi ville en péril depuis le 14
juin 2014. Malgré cela, les coopératives continuent de creuser inexorablement malgré
la menace.
Le Cerro Rico qui domine la ville
Potosi exploite également son histoire et la mine sur le
plan touristique et des dizaines d’agences à travers toute la ville proposent
des visites guidées et emmènent les touristes au plus profond de la montagne
voir le travail de ces forçats du minerais. La lecture des guides est
explicite. La visite n’est pas une promenade de santé et il ne s’agit nullement
d’explorer une partie aménagée d’un bout de mine abandonnée. La visite se fait
dans une mine en exploitation, dont les conditions de sécurité sont précaires,
exposée aux risques d’éboulement, à la poussière et aux vapeurs toxiques le
tout dans des boyaux profonds, peu larges et à 4000 mètres d’altitude.
La principale question revient alors à se demander s’il faut
descendre ou pas. Parce que descendre dans la mine, c’est la possibilité de
découvrir cet univers, de toucher du doigt une infime partie des conditions de
vie des mineurs, de comprendre et d’apprendre de ces travailleurs de l’extrême.
Mais n’est ce pas également une forme de voyeurisme déplacé, ou pour quelques
euros, il est possible de se payer quelques heures de sensations fortes dans un
monde où le quotidien des mineurs est à ce point difficile et où la présence de
tourismes peut se révéler déplacé. La
question méritait réflexion pour moi qui ai plus de 18 ans et qui ne souffre
pas de claustrophobie. Finalement, j’ai pris la décision de descendre mais en
choisissant pour le faire l’ agence Gringo tour, fondée par Julio, un ancien
mineur, qui soucieux de ne pas gêner ses anciens collègues organise un circuit
respectueux et responsable à l’intérieur de la mine.
En attendant, nous nous sommes installés à l’hôtel « La
compaña de Jesus », un ancien monastère reconverti en hôtel, qui avait
l’avantage d’être équipé de lits confortables et d’un nombre conséquent de
couettes et couvertures pour affronter
les nuits fraiches de Potosi. Nous avons commencé l’exploration de la ville par
la « Plaza 10 de Noviembre », témoin de la splendeur passée de la
ville, bordée par la cathédrale qui se dresse fièrement à une extrémité et par
de nombreux bâtiments somptueux aux balcons de bois sculptés, caractéristiques
de l’architecture espagnole. De là partent de petites ruelles étroites et
colorées à fort dénivelé que les vieux bus bondés gravissent péniblement en
crachant d’épais panaches de gasoil.
Les belles ruelles de Potosi
La Casa de la moneda
Le lendemain, je suis donc parti pour rejoindre Christian,
le guide de Gringo Tour, pour la visite de la mine. Comme la coutume veut que
les visiteurs étrangers apportent aux mineurs des cadeaux utiles et nécessaires
à leur quotidien dans la mine, nous nous
sommes arrêtés, avant de pénétrer au cœur du Cerro Rico, dans la seule rue au
monde où la dynamite et la nitroglycérine sont en vente libre (5 bolivianos le
bâton de dynamite et 1 Bs la capsule de nitroglycérine soit respectivement 50
cts et 15 cts d’euros). Nous avons écouté pendant plusieurs minutes, Christian
nous parler du quotidien des mineurs, de leurs conditions de travail et de la
façon dont ils perçaient les galeries à la pioche, au marteau et au burin,
parfois à la perforeuse à air comprimé et surtout à la dynamite. Se faisant
nous assistions, un poil anxieux, à la démonstration du guide introduisant une
capsule de nitro dans une cartouche de dynamite, y fixant la mèche et mimant
avec un briquet l’allumage du montage détonnant le tout pendant qu’il nous
annonçait être encore bourré de la soirée de la veille. Se retrouver dans un
magasin, remplit de dynamite, avec un gars à 3 grammes qui manipule de la nitro
est une expérience intéressante pour les amateurs de sensations fortes. Après
Tupiza et le Far West, voilà qu’on jouait à la roulette russe : explosera,
explosera pas ??
Plutôt que des cadeaux détonants, nous avons préféré opter pour des paires de gants utiles pour pousser les lourds chariots chargés de minerais, des bouteilles de sodas contre l’hypoglycémie (les mineurs ne mangent pas pendant les dix à douze heures durant les quelles ils travaillent au fond de la mine), et des feuilles de coca qu’ils mâchent de jour comme de nuit pour supporter les conditions de travail cauchemardesques, la chaleur, la fatigue et la faim sous terre. Puis nous nous sommes dirigés vers l’entrée de la mine, un simple trou dans la montagne de la taille d’un tout petit bolivien, d’où sort à intervalles réguliers de lourds chariots de plus d’une tonne chargés de minerais jusqu’à la gueule que poussent des mineurs extenués, transpirant sous l’effort.
Oui, mais moi je n'étais pas à 3 grammes!!
Plutôt que des cadeaux détonants, nous avons préféré opter pour des paires de gants utiles pour pousser les lourds chariots chargés de minerais, des bouteilles de sodas contre l’hypoglycémie (les mineurs ne mangent pas pendant les dix à douze heures durant les quelles ils travaillent au fond de la mine), et des feuilles de coca qu’ils mâchent de jour comme de nuit pour supporter les conditions de travail cauchemardesques, la chaleur, la fatigue et la faim sous terre. Puis nous nous sommes dirigés vers l’entrée de la mine, un simple trou dans la montagne de la taille d’un tout petit bolivien, d’où sort à intervalles réguliers de lourds chariots de plus d’une tonne chargés de minerais jusqu’à la gueule que poussent des mineurs extenués, transpirant sous l’effort.
L'entrée de la mine
Avant d’entrée, Christian nous annonce la couleur sur le déroulement
de la visite, la consigne principale étant d’éviter de nous mettre en danger et
de gêner le travail des mineurs par notre inexpérience et notre gaucherie. Le
tunnel d’entrée est étroit et ne permet que le passage d’un chariot. Il s’agit
de parcourir ce premier tronçon au pas de course afin d’éviter de croiser un de
ces wagonnets qui sans frein à bien du mal s’arrêter, pour rejoindre 500 mètres
plus loin un tronçon plus large permettant de se reposer, avant notre rencontre
avec le diable en personne. Talonnés par un de ces fameux chariots, poussé par
des mineurs criant « vamos, vamos », c’est le souffle court (on est
quand même à 4000 mètres) qu’on atteint « El Tio » (l’oncle), représentation
du diable sous la montagne. Les mineurs l’honorent et le respectent car, selon
leurs croyances, il a droit de vie ou de mort dans la mine. « El
Tio » est une représentation de cire au fond d’une galerie, bardée
d’offrandes, car nul mineur ne pénètre dans la mine sans avoir offert au diable
des feuilles de coca, des cigarettes, ou de l’alcool à 96°. Il est coutume d’’honorer
dans un premier temps l’esprit « del Tio » pour qu’il rende le mineur
intelligent et clairvoyant, puis ses yeux afin que ce dernier s’oriente au
mieux dans les galeries et repère les filons d’argent, les bras et les jambes
pour plus de force et de puissance, et le sexe du « Tio » pour la
fertilité de la montagne, la légende voulant que les veines d’argent soient nées de l’union du
diable et de la déesse de la terre.
Nous avons sillonné de nombreuses
galeries tantôt marchant courbés, tantôt rampant découvrant au fur et à mesure
de notre pérégrination, des mineurs sans aucune protection, exposés à la
poussière, oeuvrant dans des galeries
sans aucun étayage et creusant inlassablement la montagne dans des positions
invraisemblables dans l’espoir de découvrir le précieux minerais. Les accidents
sont légions dans la mine : éboulements, explosions, poche de gaz … et on
estime que près de 80 mineurs par mois décèdent au fond de la mine. Ce chiffre
fait froid dans le dos, d’autant qu’il est facile d’en mesurer la véracité
quand on sillonne les galeries. Nous finirons par rencontrer un groupe de
mineurs, dans un petit boyau poussiéreux, occupés à fumer et à former avec les
feuilles de coca, une boule impressionnante logée dans le creux de la joue,
avec qui nous pourrons partager ce court instant de répit et échanger quelques
questions contre nos précieux cadeaux. Un moment de calme pendant lequel nous
entendrons tout de même à plusieurs reprises quelques détonations sourdes
quelque part au dessus ou en dessous de nos têtes, signifiant qu’un tunnel
venait d’être agrandit.
"El Tio"
Au final, nous aurons parcourus dans la mine moins de 1700
mètres, rampé quelques dizaines de mètres, respiré quelques heures les nuages
de poussière et de silice et évité de justesse un chariot, heureusement vide,
poussé par des bras puissants, mais nous sommes heureux de retrouver la lumière
au bout du tunnel de sortie et d’y respirer enfin l’air frais. Je vous laisse
alors imaginer ce qu’il en est après 10 à 12 heures de travail harassant!! Un
vrai travail de titan qui force le respect, surtout quand on sait que ce qui
pousse les mineurs à creuser si longtemps et si profond à la recherche des restes
de l’argent du Cerro Rico, est d’amasser de quoi sortir de la mine ou d’éviter que
leurs enfants ne soient, eux aussi, obliger d’y entrer.
Le dernier jour, nous visiterons le monastère de « Santa
Teresa », un magnifique bâtiment dans lequel les énièmes
représentations de christ ensanglanté,
et les instruments de flagellations qu’utilisaient les sœurs de l’époque pour
se rapprocher de la souffrance de Jésus cèleront définitivement notre dégout
pour l’extrémisme religieux et la bigoterie.
Des églises à la rigueur, mais plus de monastères !!!
L’après midi,
nous tenterons de nous baigner dans les sources chaudes « Del Ojo del
Inca » (l’œil de l’inca), qui ne doit pas tellement apprécier qu’on
s’immerge dans son globe occulaire vu l’orage qu’il nous a envoyé pour nous en
dissuader. Un de ceux qui impressionnent avec des éclairs qui frappent les
crêtes aux alentours et le ciel qui se déchire quelques secondes plus tard. Ok
l’inca, on ne se baignera pas dans ton œil.
Un dernier repas avec Anne So, Julien et ses parents avant de quitter
définitivement Potosi pour Sucré, la
ville blanche, une des capitales (surtout ne pas commettre l’irréparable) de la
Bolivie.
Le monastère de "Santa Teresa"
Petite question à tous les lecteurs du blog : qui à
déjà entendu dans son entourage l’expression : « ça vaut un
Potosi » ??
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