Non, nous ne referons
pas le trajet par la voie fluviale pour retrouver les routes goudronnées du
Pérou et poursuivre notre voyage, d’autant qu’à contre courant, le trajet est
plus long. C’est par la voie des airs que nous avons rejoint Lima pour une courte
pause (le magasin d’objectifs photo était fermé….heureusement il y a Coolpix, Coolpix !!),
avant de rejoindre Huaraz et la plus haute chaine de montagne tropicale de la
planète. Le trajet en bus pour rejoindre cette jolie petite ville perchée à
3100 mètres d’altitude à été magnifique, certes, mais sportif. Plus de huit
heures de virages sinueux, en bus deux étages à remonter le Rio Santa qui
sépare la Cordillera Blanca et ses hauts sommets enneigés et la Cordillera
Negra, plus sèche, qui concentre une grande partie des terres cultivables. Ce fut
l’occasion d’approfondir les connaissances d’Elise et Juliette sur les phénomènes météorologiques au Pérou avec
notamment les régions au vent et les régions sous le vent. Cette spécificité
climatique, particulièrement flagrante dans cette région, avec les sommets de
la Cordillère Blanche culminant, pour la plupart à plus de 5000 mètres
d’altitude, a permis de mieux leur faire comprendre la physionomie des
territoires traversés depuis deux mois avec notamment la forêt amazonienne
chaude et humide à l’est et les régions sèches et désertiques de la côte ouest.
Un petit cours de géographie gracieusement offert par dame nature.
Nous sommes arrivés de nuit sur Huaraz, légèrement nauséeux
et plutôt sujet au mal aigu de la route qu’au mal aigu des montagnes.
Néanmoins notre long séjour dans la forêt amazonienne a eu raison de notre
belle acclimatation à l’altitude et malgré la fatigue, la première nuit à l’hôtel
Aldo est agitée, malgré le calme et le confort de notre petite chambre double.
Le lendemain au réveil, nous découvrons
Huaraz du haut de notre terrasse, petite ville paisible à l’abri de ces deux
magnifiques sierras, et la météo nous gratifie d’une magnifique vue sur le plus
haut sommet du Pérou, le mont Huascaran qui culmine à plus de 6700 mètres et
que, pour la petite anecdote, vous pouvez retrouver à chaque début de film
produit par la « Paramount ». Cette ville est le paradis des
trekkeurs et des montagnards et les agences proposent toutes sortes d’activités
allant de la simple randonnée tout publique, à l’ascension, chaussée de
crampons et piolet en main, d’un des hauts sommets de la cordillère blanche.
C’est la ville de tous les exploits, alors nous avons décidé, nous aussi de
dépasser nos limites et d’aller se frotter aux hautes altitudes. Quoiqu’il
arrive nous gravirons le Mont Blanc durant ce séjour !!!
Pour réaliser cette prouesse, nous avons commencé par une
journée au calme dans notre petit hôtel afin d’avancer un peu dans le programme
scolaire (les maths à 3100 mètres d’altitude, c’est dur !), d’organiser la
suite du programme en faisant le tour des agences et de pouvoir grimper les
marches jusqu’à notre chambre sans faire une pause à chaque palier.
Le lendemain, nous poursuivons la phase d’acclimatation en optant
pour une magnifique randonnée dans la Cordilliera Negra, pour rejoindre la lagune
de Wilcacocha à 3700 mètres d’altitude. Durant les trois heures d’ascension,
sous un soleil de plomb, nous suivrons un magnifique sentier bordé de petits
murets de pierres taillées délimitant, tantôt les ruelles du village, tantôt des parcelles de terres cultivées ou destinées au bétail que surveillent, le plus souvent, les femmes du village habillées en costume
traditionnel, leur dernier marmaille dans le dos. Nous arriverons finalement au
bord du lac, en sueur, déshydratés et passablement rouges (les rando sur l’heure
du midi sont fatales aux inconscients sans crème solaire), pour découvrir une
vue magnifique sur la Cordillère Blanche, Huaraz et la vallée dans laquelle serpente paisiblement le rio Santa. Juliette est aux anges. Le lac est une
vraie ménagerie et elle disparaît aussitôt le sandwich avalé pour aller
observer les canards sur la lagune, caresser les ânes et donner à manger aux
chiens qui n’en demandaient pas tant. Quand à Elise, elle organise des
rencontres entre mascottes qui voit ma carrière de
photographe prendre un nouveau tournant à prendre en photo un petit lion blanc
réunionnais et un petit lutin allemand, bras dessus bras dessous devant les
sommets enneigés de la cordillère.La photo est magnifique tout comme
ce joli point de vue sur notre ville étape et nos exploits à venir.
C'est beau, mais c'est haut!!
La lagune de Wilcacocha
Vue sur le Rio Santa qui sépare les deux cordillères
Si, si aussi rouge que le tee- shirt!!
Quand deux mascottes se rencontrent...
Le deuxième jour, levés cinq heures pour tenter d’atteindre
l’altitude vertigineuse de 4670 mètres et nous rendre à la Laguna 69, un lac
glacière entouré de sommets qui culminent à plus de 5500 mètres. Le réveil pique
un peu, mais bientôt, tous les espoirs de pouvoir prolonger la nuit pendant les
trois heures de route qui nous séparent du point de départ de la randonnée sont
douchés par l’état de la piste et les lacets vertigineux de la route. Le combi qui
rebondit d’un nid de poule à l’autre pourrait nous faire craindre un retour
impromptu de petit déjeuner si toutefois on avait pris le temps de l’avaler.
Après ce trajet chaotique, le combi nous dépose au delà de notre point
culminant de la veille, en amont d'une magnifique lagune,
pour démarrer notre randonnée qui doit nous mener en trois heures au bord du lac. Pendant la première étape, plutôt tranquille, nous remontons une vallée glacière, longeant un petit ruisseau qui dévale des
hauts sommets dominant la vallée et qui
nous chante une petite mélodie douce et fluide,bien plus agréable pour l’éveil
des sens que le hurlement d’un moteur de combi en première et les vapeurs qui
s’en échappent. Au bout de la vallée, le sentier prend rapidement de la hauteur
et pour atténuer un peu l’effort,je profite d’une question d’Elise sur le mal
aigu des montagnes pour m’embarquer dans une explication, qui se voulait simple, à base de cargos d’oxygène plus ou moins pleins, de camions que conduisent des
routiers sympas et de petites mains en bout de chaine qui déchargent
inlassablement pour alimenter les super-marchés en oxygène. J’attendrai qu’Elise
l’explique à sa sœur pour vérifier l’efficacité de cette tentative ludique
d’approche de la physiopathologie. Quand à Juliette, elle a du trouver qu’il
me restait suffisamment de souffle pour qu’on revisite ensemble l’histoire du
« petit moulin de sel » ou comment la mer est devenue salée. Une
chouette histoire qu’elle connait par cœur, pour l’avoir entendue des dizaines
de fois, mais que je ne finirai pas cette fois, vaincu par l’altitude. Passé
4400 mètres, le souffle devient court, l’effort plus intense et Fred
expérimente pour la première fois, la désagréable sensation de devoir marcher à
la vitesse d’un escargot arthritique, avec l’impression d’avoir quelques
pierres en plus dans le sac à dos.
Mais le jeu en valait la chandelle, et après trois heures de marche nous découvrons enfin, sous le soleil, ce magnifique lac glacière d’un bleu turquoise dont l’eau limpide et pure reflète le paysage alentour. La lagune est bordée de glaciers qui dévalent des hauts sommets environnants et dont les impressionnants séracs en équilibre instable le long des pentes vertigineuses craquent à intervalles réguliers dans un vacarme assourdissant qui résonne dans la vallée, nous faisant nous sentir tout petit devant cette prodigieuse et majestueuse masse de glace en mouvement. La descente pour rejoindre le combi fut longue et éprouvante pour nos cuisses, mais sans commune mesure avec le retour à Huaraz par la même route qu’à l’aller. Nous rentrons à l’hôtel vers 21h00 avec tout juste la force d’avaler une pizza avant de plonger sous les couettes et de tenter de récupérer un peu avant d’aller caresser du doigt le glacier Pastoturi qui culmine à 5050 mètres.
La Laguna 69, entourée de glacier
Loin de trainer aux lits prétextant un manque de sommeil notoire et
des courbatures bien réelles pourtant, tout le monde est sur le pied de guerre
ce matin ; les filles veulent toucher la
neige, voir même faire une bataille de boules de neige, bien qu’à 5000 mètres ce ne
soit pas bien prudent. Le trajet est bien moins chaotique que la veille et nous
prenons le temps d’apprécier le magnifique paysage que dévoile cette somptueuse
vallée glacière.
Le minibus file sur la piste qui
s’élève régulièrement avec quelques arrêts sur la route toutefois : le
premier pour nous signifier la présence d’une source d’eau gazeuse naturelle
qui jaillit d’un petit bassin d’ajoncs, et le second pour admirer de près une
des spécificités botaniques de la vallée, le célèbre cactus endémique du parc
national : le Puya Remundi qui atteint à maturité plus de 15 mètres de
haut, ne fleurit que tous les 90 ans et pendant cette courte période, qui ne
dure que 6 mois, sème à tous vents le pollen de près de 5000 fleurs dont les
couleurs éclatantes sont un régale pour les yeux de celui qui a la chance
d’assister au spectacle. Il s’en est fallu de cinq petit mois pour que nous
fassions parti de ceux là, et nous ne verrons, ce jour là que l’ébauche de la
floraison.
Le Puya Remundi
Presqu'en fleur!
Nous arrivons finalement au pied du départ du sentier à 4 800
mètres. Le temps est couvert et les nuages sont menaçants. Alors que nous
enfilons les gore-tex, les gants et les bonnets, nous prenons conscience de la
présence dans le bus de péruviennes en goguette, petites chaussures
à talons aux pieds, en chemisette avec pour l’une d’entre elle un bébé d’environ
6 mois qui apprécie moyennement la plaisanterie. Sur le sentier qui grimpe
régulièrement, nous croisons quelques touristes frigorifiés, blancs comme la
neige qui les entoure, avec l’estomac au bord des lèvres qui descendent tant
bien que mal pour retrouver un peu d’oxygène en aval. En voilà qui n’ont pas
construit assez de poids lourds pour alimenter les super marchés en oxygène me
dit Elise!Nous croisons également rapidement Juliette, toute fière sur le dos
de son cheval, qui nous regarde marcher lentement en économisant notre souffle
avec un petit sourire moqueur qui disparaitra lorsque le cheval la déposera à
mi parcours pour finir la route à pied. Après une bonne heure d’effort, nous
arrivons enfin en vue du majestueux glacier Pastoruri au pied duquel s’épanouit un petit lac où flotte quelques séracs et dont la transparence reflète le
paysage qui le borde et le soleil, qui vient de percer définitivement la couche
nuageuse et qui pare la montagne de couleurs magnifiques. Les photos sont superbes,
et nous mettons à profit notre acclimatation au top pour profiter une bonne
heure du site et de la satisfaction de pouvoir contempler de près ce monstre de
glace qui respire à un rythme régulier en produisant d’impressionnants
craquements. La famille Poupel est en liesse pas peu fière d’avoir atteint
l’altitude prodigieuse de 5050 mètres.
Le glacier Pastoruri
La famille Poupel à 5050 mètres
Photo pour immortaliser l'exploit avec Elodie et Aurélien
Non,pas de bataille,la neige est vraiment trop dure!
Le lendemain soir, après une dernière journée à visiter le marché artisanal de Huaraz,les filles en ont profité pour acheter des petits souvenirs, nous reprenons le bus de nuit pour Lima, où j’ai bon espoir cette fois de trouver un objectif photo, avant de nous envoler pour Cusco et enfin découvrir la civilisation Inca et ses trésors architecturaux.Et dire que cela fait seulement deux mois que nous voyageons...