Equateur, Pérou, Bolivie et chili sur les ailes du condor pendant 5 mois

Equateur, Pérou, Bolivie et chili sur les ailes du condor pendant 5 mois
Equateur, Pérou, Bolivie et Chili en famille

jeudi 12 novembre 2015

du 20 au 24 : Riche comme Potosi !!

Après le Far West, nous reprenons de l’altitude et redonnons dans les extrêmes avec rien de moins que la ville de 100000 habitants la plus haute du monde. Potosi se trouve effectivement à 4100 mètres d’altitude (plus haute que Lhassa) et il préférable d’être acclimaté avant de s’y rendre, sous peine d’y passer des premières nuits difficiles. Outre l’altitude, cette ville possède une autre raison d’être connue. A défaut d’avoir pu trouver l’Eldorado, les espagnols ont trouvé à Potosi, le plus grand gisement d‘argent au cœur du « Cerro Rico » (Mont riche) qui domine la ville. La légende raconte que les incas avaient depuis longtemps découvert ce filon, mais qu’au moment de l’exploiter, la terre aurait tremblée. Huayna Capac y voyant un signe de la colère de la Pachamama (déesse de la terre), en aurait interdit, dès lors, l’exploitation. Les espagnols, n’ont pas les mêmes scrupules, et ayant eu vent de l’existence de cette manne financière, s’approprient Le Cerro Rico et fondent Potosi en 1545 dans laquelle ils font venir des dizaines de milliers d’esclaves indiens pour une exploitation massive. La mine fut exploitée par les conquistadors de 1545 à 1825. On ignore la quantité d’argent qui fut extraite du Cerro Rico au cours de quatre siècles de productivité, mais une croyance populaire affirme qu’elle aurait permis aux espagnols de construire un pont d’argent jusqu’à la mère patrie tout en leur en laissant des quantités suffisantes à transporter par cette voie. Par contre, on estime que pendant cette période, près de 8 millions d’indiens et d’africains amenés en renfort ont périt dans d’atroces conditions. Au 17ème siècle, à son apogée, Potosi à compter près de 200000 habitants (soit une des plus grandes villes du monde à l’époque), un hôtel de la monnaie fondé en 1672, près de 80 églises et une architecture coloniale dont on peut encore voir les vestiges dans le centre historique et qui lui a valu d’être classée au patrimoine mondial de l’UNESCO en 1987. Malheureusement, le gisement du Cerro Rico a commencé de s’épuiser et l’effondrement du cours de l’argent a porté un coup fatal à la ville de Potosi. Actuellement, l’excavation de la montagne se poursuit et quelques 2000 mineurs continuent de creuser la montagne, dans des conditions précaires à la recherche de filons restants, avec les mêmes moyens qu’à l’époque, n’extrayant à peine de quoi survivre. On trouve encore dans la mine de l’étain, du zinc et du plomb dont le prix de vente est dérisoire et ne permet qu’un salaire minimum de 80 à 100 bolivianos par jour, soit un peu plus de 10 euros, ce qui permet tout juste aux mineurs de nourrir leurs familles et d’acheter le précieux matériel, ces derniers  n’ayant d’autres choix que de poursuivre l’extraction dans l’espoir de découvrir la fameuse veine d’argent qui les sortira de la mine. Regroupés en coopératives, qui louent la montagne au gouvernement, ils continuent de creuser le Cerro Rico à la pelle, la pioche et à la dynamite agrandissant les quelques 10 000 galeries existantes à ce jour. La montagne compte des milliers d’entrées et ressemble à un vaste gruyère qui menace aujourd’hui de s’effondrer. Le Cerro Rico est passé en quelques centaines d’années de l’altitude de 5180 mètres à 4787 mètres en raison de l’activité minière, et l’UNESCO à classée Potosi ville en péril depuis le 14 juin 2014. Malgré cela, les coopératives continuent de creuser inexorablement malgré la menace.

Le Cerro Rico qui domine la ville

Potosi exploite également son histoire et la mine sur le plan touristique et des dizaines d’agences à travers toute la ville proposent des visites guidées et emmènent les touristes au plus profond de la montagne voir le travail de ces forçats du minerais. La lecture des guides est explicite. La visite n’est pas une promenade de santé et il ne s’agit nullement d’explorer une partie aménagée d’un bout de mine abandonnée. La visite se fait dans une mine en exploitation, dont les conditions de sécurité sont précaires, exposée aux risques d’éboulement, à la poussière et aux vapeurs toxiques le tout dans des boyaux profonds, peu larges et à 4000 mètres d’altitude.
La principale question revient alors à se demander s’il faut descendre ou pas. Parce que descendre dans la mine, c’est la possibilité de découvrir cet univers, de toucher du doigt une infime partie des conditions de vie des mineurs, de comprendre et d’apprendre de ces travailleurs de l’extrême. Mais n’est ce pas également une forme de voyeurisme déplacé, ou pour quelques euros, il est possible de se payer quelques heures de sensations fortes dans un monde où le quotidien des mineurs est à ce point difficile et où la présence de tourismes  peut se révéler déplacé. La question méritait réflexion pour moi qui ai plus de 18 ans et qui ne souffre pas de claustrophobie. Finalement, j’ai pris la décision de descendre mais en choisissant pour le faire l’ agence Gringo tour, fondée par Julio, un ancien mineur, qui soucieux de ne pas gêner ses anciens collègues organise un circuit respectueux et responsable à l’intérieur de la mine.

En attendant, nous nous sommes installés à l’hôtel « La compaña de Jesus », un ancien monastère reconverti en hôtel, qui avait l’avantage d’être équipé de lits confortables et d’un nombre conséquent de couettes et  couvertures pour affronter les nuits fraiches de Potosi. Nous avons commencé l’exploration de la ville par la « Plaza 10 de Noviembre », témoin de la splendeur passée de la ville, bordée par la cathédrale qui se dresse fièrement à une extrémité et par de nombreux bâtiments somptueux aux balcons de bois sculptés, caractéristiques de l’architecture espagnole. De là partent de petites ruelles étroites et colorées à fort dénivelé que les vieux bus bondés gravissent péniblement en crachant d’épais panaches de gasoil.

Les belles ruelles de Potosi




Nous avons visité le lendemain « La Casa National de la Moneda », un incroyable bâtiment aux allures de forteresse, construit en 1753 sur l’ordre du roi d’Espagne pour remplacer l’ancien, devenu insuffisant pour exploiter les immenses ressources du Cerro Rico. Ici seront frappés pendant plusieurs siècles les fameux Potosi, pièces d’argent massif estampillés d’un « P » qui alimenteront l’empire d’Espagne pendant de nombreuses années. On y trouve des fonderies dans lesquelles l’argent pur était transformé en lingots, avant d’être de nouveau chauffé et aplati dans d’impressionnantes machines en bois dont les engrenages étaient actionnés par des mules. Par la suite, la vapeur puis l’électricité ont remplacé les mules et loin d’améliorer les conditions de travail des ouvriers, elles ont permis d’accroitre le rendement de la frappe des pièces pour atteindre à la fin du 19ème siècle près de 3000 pièces à l’heure. A l’indépendance de la Bolivie, les pièces ont continué à être frappées dans ce lieu jusqu’en 1953, avant que le nickel ne remplace l’argent dans leur composition, contraignant le pays à faire frapper ses pièces au Chili. Ce bâtiment chargé d’histoire, occupant un espace impressionnant au cœur de la ville est désormais transformé en musée dont la visite en français aurait pu être passionnante, si elle n’avait été faite de manière expéditive et d’une voix monocorde invitant plus au  sommeil qu’à la question.

La Casa de la moneda




Le lendemain, je suis donc parti pour rejoindre Christian, le guide de Gringo Tour, pour la visite de la mine. Comme la coutume veut que les visiteurs étrangers apportent aux mineurs des cadeaux utiles et nécessaires à leur  quotidien dans la mine, nous nous sommes arrêtés, avant de pénétrer au cœur du Cerro Rico, dans la seule rue au monde où la dynamite et la nitroglycérine sont en vente libre (5 bolivianos le bâton de dynamite et 1 Bs la capsule de nitroglycérine soit respectivement 50 cts et 15 cts d’euros). Nous avons écouté pendant plusieurs minutes, Christian nous parler du quotidien des mineurs, de leurs conditions de travail et de la façon dont ils perçaient les galeries à la pioche, au marteau et au burin, parfois à la perforeuse à air comprimé et surtout à la dynamite. Se faisant nous assistions, un poil anxieux, à la démonstration du guide introduisant une capsule de nitro dans une cartouche de dynamite, y fixant la mèche et mimant avec un briquet l’allumage du montage détonnant le tout pendant qu’il nous annonçait être encore bourré de la soirée de la veille. Se retrouver dans un magasin, remplit de dynamite, avec un gars à 3 grammes qui manipule de la nitro est une expérience intéressante pour les amateurs de sensations fortes. Après Tupiza et le Far West, voilà qu’on jouait à la roulette russe : explosera, explosera pas ??

Oui, mais moi je n'étais pas à 3 grammes!!



Plutôt que des cadeaux détonants, nous avons préféré opter pour des paires de gants utiles pour pousser les lourds chariots chargés de minerais, des bouteilles de sodas contre l’hypoglycémie (les mineurs ne mangent pas pendant les dix à douze heures durant les quelles ils travaillent au fond de la mine), et des feuilles de coca qu’ils mâchent de jour comme de nuit pour supporter les conditions de travail cauchemardesques, la chaleur, la fatigue et la faim sous terre. Puis nous nous sommes dirigés vers l’entrée de la mine, un simple trou dans la montagne de la taille d’un tout petit bolivien, d’où sort à intervalles réguliers de lourds chariots de plus d’une tonne chargés de minerais jusqu’à la gueule que poussent des mineurs extenués, transpirant  sous l’effort.

L'entrée de la mine

Avant d’entrée, Christian nous annonce la couleur sur le déroulement de la visite, la consigne principale étant d’éviter de nous mettre en danger et de gêner le travail des mineurs par notre inexpérience et notre gaucherie. Le tunnel d’entrée est étroit et ne permet que le passage d’un chariot. Il s’agit de parcourir ce premier tronçon au pas de course afin d’éviter de croiser un de ces wagonnets qui sans frein à bien du mal s’arrêter, pour rejoindre 500 mètres plus loin un tronçon plus large permettant de se reposer, avant notre rencontre avec le diable en personne. Talonnés par un de ces fameux chariots, poussé par des mineurs criant « vamos, vamos », c’est le souffle court (on est quand même à 4000 mètres) qu’on atteint « El Tio » (l’oncle), représentation du diable sous la montagne. Les mineurs l’honorent et le respectent car, selon leurs croyances, il a droit de vie ou de mort dans la mine. « El Tio » est une représentation de cire au fond d’une galerie, bardée d’offrandes, car nul mineur ne pénètre dans la mine sans avoir offert au diable des feuilles de coca, des cigarettes, ou de l’alcool à 96°. Il est coutume d’’honorer dans un premier temps l’esprit « del Tio » pour qu’il rende le mineur intelligent et clairvoyant, puis ses yeux afin que ce dernier s’oriente au mieux dans les galeries et repère les filons d’argent, les bras et les jambes pour plus de force et de puissance, et le sexe du « Tio » pour la fertilité de la montagne, la légende voulant que  les veines d’argent soient nées de l’union du diable et de la déesse de la terre.

"El Tio"

Nous avons sillonné de nombreuses galeries tantôt marchant courbés, tantôt rampant découvrant au fur et à mesure de notre pérégrination, des mineurs sans aucune protection, exposés à la poussière, oeuvrant  dans des galeries sans aucun étayage et creusant inlassablement la montagne dans des positions invraisemblables dans l’espoir de découvrir le précieux minerais. Les accidents sont légions dans la mine : éboulements, explosions, poche de gaz … et on estime que près de 80 mineurs par mois décèdent au fond de la mine. Ce chiffre fait froid dans le dos, d’autant qu’il est facile d’en mesurer la véracité quand on sillonne les galeries. Nous finirons par rencontrer un groupe de mineurs, dans un petit boyau poussiéreux, occupés à fumer et à former avec les feuilles de coca, une boule impressionnante logée dans le creux de la joue, avec qui nous pourrons partager ce court instant de répit et échanger quelques questions contre nos précieux cadeaux. Un moment de calme pendant lequel nous entendrons tout de même à plusieurs reprises quelques détonations sourdes quelque part au dessus ou en dessous de nos têtes, signifiant qu’un tunnel venait d’être agrandit.




Au final, nous aurons parcourus dans la mine moins de 1700 mètres, rampé quelques dizaines de mètres, respiré quelques heures les nuages de poussière et de silice et évité de justesse un chariot, heureusement vide, poussé par des bras puissants, mais nous sommes heureux de retrouver la lumière au bout du tunnel de sortie et d’y respirer enfin l’air frais. Je vous laisse alors imaginer ce qu’il en est après 10 à 12 heures de travail harassant!! Un vrai travail de titan qui force le respect, surtout quand on sait que ce qui pousse les mineurs à creuser si longtemps et si profond à la recherche des restes de l’argent du Cerro Rico, est d’amasser de quoi sortir de la mine ou d’éviter que leurs enfants ne soient, eux aussi, obliger d’y entrer.




Mais Potosi, ce n’est pas que la mine et nous y resterons encore deux jours à sillonner les ruelles, à admirer la ville du haut des toits de l’église de San Felipe, à boire des coups avec Anne Sophie et Julien, nos potes de Wilcabamba, en Equateur, que nous pensions ne plus recroiser et qui surgissent comme par magie de l’hôtel en face du notre et avec qui nous testerons quelques bonnes adresses de Potosi.




Les toits de l'Eglise "San Felipe"


La vue est magnifique de là












Le dernier jour, nous visiterons le monastère de « Santa Teresa », un magnifique bâtiment dans lequel les énièmes représentations  de christ ensanglanté, et les instruments de flagellations qu’utilisaient les sœurs de l’époque pour se rapprocher de la souffrance de Jésus cèleront définitivement notre dégout pour l’extrémisme religieux et la bigoterie.  Des églises à la rigueur, mais plus de monastères !!!


Le monastère de "Santa Teresa"




L’après midi, nous tenterons de nous baigner dans les sources chaudes « Del Ojo del Inca » (l’œil de l’inca), qui ne doit pas tellement apprécier qu’on s’immerge dans son globe occulaire vu l’orage qu’il nous a envoyé pour nous en dissuader. Un de ceux qui impressionnent avec des éclairs qui frappent les crêtes aux alentours et le ciel qui se déchire quelques secondes plus tard. Ok l’inca, on ne se baignera pas dans ton œil.  Un dernier repas avec Anne So, Julien et ses parents avant de quitter définitivement Potosi  pour Sucré, la ville blanche, une des capitales (surtout ne pas commettre l’irréparable) de la Bolivie.

Petite question à tous les lecteurs du blog : qui à déjà entendu dans son entourage l’expression : « ça vaut un Potosi » ??


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